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    On lui doit les musiques de Ratatouille et Lost : rencontre avec le compositeur de Blue & Compagnie
    Emmanuel Itier
    Emmanuel Itier
    -Correspondant
    Basé à Los Angeles, Emmanuel Itier accompagne AlloCiné sur les sorties américaines, en assurant interviews/junkets et couverture d’événements US.

    Sorti le mercredi 8 mai sur nos écrans, "Blue & Compagnie" bénéficie du talent de son compositeur Michael Giacchino, qui revient avec nous sur son travail.

    Star Wars. Star Trek. Lost. Alias. Mission : Impossible - Protocole Fantôme. Ratatouille. Les Indestructibles. On ne compte plus les fois où Michael Giacchino a marqué la pop culture du XXIè siècle avec ces compositions.

    Et il remet le couvert dans l'enchanteur Blue & Compagnie de John Krasinski. Une histoire magique d'amis imaginaires qui lui convient parfaitement, et qui nous a donné l'occasion de revenir, avec lui, sur son travail.

    Blue & Compagnie
    Blue & Compagnie
    Sortie : 8 mai 2024 | 1h 44min
    De John Krasinski
    Avec Cailey Fleming, Ryan Reynolds, John Krasinski
    Presse
    3,3
    Spectateurs
    3,5
    Séances (1 158)

    AlloCiné : Comment devient-on compositeur de musiques de films ? C’était ce que vous vouliez faire depuis l’enfance ?

    Michael Giacchino : Pas du tout. Je n’avais aucune idée que j’allais avoir la carrière que j’ai eue. En fait je voulais faire du cinéma mais en tant que réalisateur. Entre 9 et 25 ans, c’est pratiquement tout ce que j’ai fait : des courts métrages, écrire des scripts. Je suis même allé faire une école de cinéma. La musique était plutôt un hobby. J’ai même fait partie d’un groupe de rock pendant un moment.

    C’est quand j’ai commencé à produire des jeux vidéo pour Disney qu’ils m’ont aussi demandé de composer la musique de ces jeux. Et le reste appartient à l'Histoire comme on dit. Ensuite, ils voulaient que j’écrive la musique de tous ces jeux. Ils m’ont mis sur des séries télé puis sur des films. Vingt ans après, je ne suis toujours pas passé à la réalisation mais j’ai une sacrée collection de compositions pour tellement de films et séries.

    Est-ce que "Star Trek" a marqué un tournant important dans votre carrière ?

    Michael Giacchino : Je pense que ce sont les jeux vidéo qui ont été un tournant pour moi au début des années 90. Ce qui est marrant, c’est que J.J. Abrams jouait à ces jeux vidéo et qu’il était fan de leur bande-originale. Il m’a contacté pour travailler avec lui sur la série Alias puis, quand il est passé au cinéma, il m’a proposé de venir avec lui sur Mission : Impossible III. C’était en 2006 et ce fut un autre moment important dans ma vie.

    C’est aussi autour de 2005 que j’ai décroché des gros contrats pour des films d’animation comme Les Indestructibles et Ratatouille. Sans compter les séries télé comme Lost, où je bossais sur vingt-quatre ou vingt-six épisodes à la fois, c’était épique. Je dois dire que je dois beaucoup à JJ Abrams car il m’a fait monter à bord de Star Trek et des Star Wars. Depuis je n’arrête plus et le téléphone sonne constamment.

    J’aime que John Krasinski crée à chaque fois des films uniques, des prototypes incroyables, comme Sans un bruit

    On dirait que vous n’avez aucun problème à passer d'une énorme franchise à l'autre.

    Michael Giacchino : Ce n’est jamais si simple de se plonger dans l’univers d’une nouvelle franchise et de relever le défi de composer quelque chose qui ne ressemble pas au score du film précédent. Mais c’est une joie totale que d’avoir toutes ces opportunités, car j’ai grandi avec la plupart de ces franchises comme Star Trek et Star Wars. Mais aussi les films de super-héros comme le Superman de Richard Donner, qui est l’un de mes films préférés.

    Je me trouve vraiment dans le milieu qui me correspond, et c’est un plaisir de pouvoir maintenant faire partie de ces franchises. Sans oublier que j’ai également grandi en adorant toutes sortes de films d’animation. J’ai même eu, pendant un moment une compagnie qui produisait des films d’animation. J’aime aussi m’atteler à des films qui ne sont pas des franchises, comme Blue & Compagnie.

    C’est formidable, de temps en temps, de travailler sur une idée totalement fraîche et qui ne fait pas partie d’une franchise. Je me souviens comment, dans les années 80, j’avais la chance de découvrir des films aussi unique que E.T., Poltergeist ou même Gremlins. Quand John Krasinski, le réalisateur et scénariste de Blue & Compagnie, m’a approché pour composer le score, j’ai tout de suite accepté avec un grand plaisir. J’aime que John crée à chaque fois des films uniques, des prototypes incroyables, comme Sans un bruit.

    Quand vous travaillez sur un film faisant partie d’une grosse franchise, est-ce que vous écoutez d’abord ce qui a été fait avant, pour ne pas vous répéter ?

    Michael Giacchino : Je n’ai pas à tout écouter, car j’ai entendu toutes ces bandes-originales tellement de fois qu’elles sont à jamais dans ma tête. J’en connais toutes les notes. Evidemment, ce serait simple d’aller piocher dans ce qui a été composé et faire du copier-coller, mais ce n’est pas une manière d’offrir quelque chose de frais et unique au public. A chaque fois que je travaille sur un nouveau film, je fais en sorte de créer un tout nouvel univers musical.

    FAMEFLYNET / BESTIMAGE
    Michael Giacchino

    Votre relation les studios est-elle différente ? Est-ce la même chose que de travailler pour Paramount, Disney, DC ou Marvel ?

    Michael Giacchino : J’ai toujours eu de la chance, car le seule personne dont je dépends est le réalisateur du film sur lequel je travaille. Je n’ai jamais eu d’interférence crée par un studio, quel qu’il soit. De plus, j’ai de la chance de travailler avec des réalisateurs d’un certain calibre et qui ont la confiance totale du studio pour lequel ils travaillent.

    Il y a tout un débat autour de l'usage de l’intelligence artificielle : en avez-vous peur ?

    Michael Giacchino : Je ne sais pas si j’en ai peur, mais cela me fascine. A partir du moment où on peut utiliser l'IA comme un outil supplémentaire de travail, c’est formidable. Par contre, si certaines personnes s’en servent pour nous remplacer et laisser l'IA créer une bande-originale complète, nous aurons des problèmes juridiques et d’éthique.

    Tant que nous somme ceux qui restent aux commandes de l'IA, nous sommes satisfaits. Voyons ce qu’il va se passer. Je n’ai pas trop la foi en l’Homme qui se prend toujours pour Dieu et qui pourrait bien tout laisser déraper avec l'intelligence artificielle.

    Est-ce que cela change quelque chose quand on travaille sur un film d’animation ou sur un film en prises de vues réelles ?

    Michael Giacchino : Non, c’est vraiment la même chose. Ce sont deux types de films qui ne sont pas réels, des histoires crées de toute pièce. Le Capitaine Kirk ou Rémi le rat n’existent que dans notre imaginaire. Ce sont des personnages à qui je donne une couche d’émotion supplémentaire en créant une musique, une mélodie qui leur correspond.

    J’essaye de comprendre ce que ressentent ces personnages, je me mets dans leur peau et je tente de percevoir quelle musique les représente, les incarne, au mieux.

    Je n’ai pas trop la foi en l’Homme qui se prend toujours pour Dieu et qui pourrait bien tout laisser déraper avec l'intelligence artificielle

    Quel a été le défi de la musique de "Blue & Compagnie" ?

    Michael Giacchino : J’étais à la recherche d’une musique intemporelle. Je voulais une musique qui soit magique et pleine d’espoir. Je tenais aussi à créer un score qui soit comme de la musique classique. La structure des accords de cette musique sont similaires à celle de la musique classique.

    J’ai vraiment voulu donner une vie musicale à tout le monde, même aux personnage les plus irréels, comme un banane qui parle. Si je prends ces personnages au sérieux et si je leur crée une musique ancrée dans le réel, alors le public va forcément s’attacher à ces personnages qui sont parfois tellement fous et surréalistes.

    Est-ce que les thèmes explorés dans un film influencent votre écriture ?

    Michael Giacchino : Absolument ! C'est une bonne remarque. En premier lieu, je regarde le film avec un esprit vierge et je tente de comprendre les émotions, les thèmes qui émergent. Forcément, tous ces thèmes, ces émotions vont m’aider à trouver le bon son, la bonne mélodie pour telle ou telle scène, pour tel ou tel personnage.

    En regardant Blue & Compagnie, j’ai ressenti un peu de tristesse et de confusion. Mais aussi un peu d’espoir et de nostalgie. Quand vous écoutez mon score, vous verrez que chaque moment musical porte en lui un peu de toutes ces émotions que je viens d’énumérer.

    Paramount Pictures France

    Si vous regardez l’ensemble de votre œuvre musicale, qu’elle est LA composition que vous préférez ?

    Michael Giacchino : Difficile de vous répondre. Disons que l’une des compositions dont je suis le plus fier est sans aucun doute celle crée pour Lost. Ce fut une expérience incroyable, avec un degré d’émotion sans précédent. Cela a été un moment très spirituel pour moi, et je m’y suis fait des amis pour la vie.

    Cette musique a également eu un énorme impact sur le public. A tel point que le mois dernier, pour les 20 ans de la série, j’ai été à Hawaii donner un concert live avec la musique de Lost. C’est incroyable le nombre de personnes qui sont venues de partout pour y assister. C’était émouvant de constater l’impact de ma musique sur les gens.

    Quel est le compositeur qui a eu le plus d’influence sur votre travail ?

    Michael Giacchino : Sans hésiter, le compositeur Français Georges Delerue. C’était vraiment un géant dans notre business, avec plus de 350 scores écrits. Pour moi c’est un compositeur classique et qui a toujours une influence sur mes créations.

    Quel est le prochain film sur lequel vous allez travailler ?

    Michael Giacchino : Le mien, celui que je vais enfin réaliser également. C’est un film d’horreur pour la Warner, Them ! Un film inspiré par le film d’horreur avec des fourmis géantes produit dans les années 50 qui s’appelait également Them ! Je vais tenter de composer un score dans la lignée des films d’horreur classiques des années 50 et 60. J’ai vraiment hâte de m’y atteler.

    Propos recueillis par Emmanuel Itier à Los Angeles le 7 mai 2024

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